A peine arrivée, on lui a proposé, en guise de cadeau de bienvenue, un verre de Vodka. Une coutume, une tradition, une marque profonde de respect et de générosité. On lui a même dit d’être en confiance, car il ne s’agissait pas à d’une banale convenance, d’un banal verre à boire, un verre de ces banales vodkas conçues pour démontrer sa virilité, qui à 83% pourraient vous rendre aveugle au bout de quelques verres. Et encore moins de ces vodkas au parfum de mort, dans d’innocents flacons, facilement accessibles aux pauvres, prêts à tout pour s’évader et oublier le poids de leur vie sur leurs os. Prêts à tout, y compris à ingurgiter du lave-vitre, de l’antigel, de l’eau de Cologne ou des gnôles fabriquées dans des distilleries clandestines. Là c’était tout autre.
L’hospitalité chaleureuse de cette contrée si froide exige d’offrir à son hôte la meilleure des vodkas et le meilleur de soi. Celle élaborée à Marrinsk, à 69 heures de route de Vladivostok, distillée en pleine forêt sibérienne avec de l’eau pure d’un puit artésien, au pied des Monts Altaï, infusée avec des baies de la taïga était la plus précieuse. Il se souvient de cette tradition où le premier verre de vodka que l’on vous propose doit être fini, de le boire d’un trait et de ne reposer votre verre qu’une fois vide en s’exclamant « Vaché Zdorovié ! ». Autrement, cela pourrait perçue comme une offense, comme un affront, comme une trahison à la confiance qu’ils placent en vous. Quelque part du bon sens. « Et il faut être un grand homme pour savoir résister même au bon sens » disait Dostoïevski.
Qu’allait-il faire, lui le croyant, fidèle en Dieu et dont la religion lui interdisait de consommer de l’alcool, de le produire, de le transporter, de le commercer et même d’assister à des beuveries.Cette question le hante depuis et il s’efforce avec sa compréhension, ses capacités et ses limites de trouver la réponse, de trouver sa réponse.