Longtemps, il rentrait dans ce bâtiment, situé Place de Lattre de Tassigny, communément appelée Place de la Bourse, rejoindre son bureau sans y prêter vraiment attention. Même heures, mêmes rituels de cols blancs, obsédés par le temps, par la réussite et la reconnaissance sociale. Parfois pour se donner bonne conscience et s’acheter une virginité morale, il glissait un petit billet à cet homme qui aider les automobilistes à garer leur voiture sur le parking public.
Une manière pour lui de garder une dignité quand on vit à la rue, une manière de ne pas perdre pied sur le bitume, une manière de nous rappeler qu’il reste et demeure un homme. Un jour, plus de présence, plus de trace de cet homme toujours souriant, toujours avenant. Cette absence remarquée lui fit prendre conscience qu’il était lui-même un privilégié, un chanceux de la vie, un enfant du capitalisme. Ce capitalisme fondé sur le productivisme et le consumérisme, n’est au fond qu’une terrible et insidieuse fabrique à égoïsme. Notre attitude hégémonique, notre instinct de prédation, notre soif de possession, notre vampirisme matériel, notre ultra-connectivité hédoniste nous pousse à déconnecter notre être physique de notre être métaphysique.
En réalité, dans l’illusion de l’enrichissement, nous nous appauvrissons et plongeons, avec une naïveté coupable, vers notre propre indigence, vers notre destruction, vers notre suicide aussi bien individuel que collectif. On a beau posséder les choses, en vérité, c’est nous qui sommes possédés par les choses, le monde et ses ornements. Comment ne pas voir les signes si apparents ? Comment ne pas voir ces morceaux de carton, ces messages sociaux qui appellent à l’aide et à la compassion? Comment ne pas entendre les cris de détresse de monde animal et végétal ? Comment rester sourd aux pleurs des arbres déracinés ? Comment oser détourner le regard pour ne pas voir nos déchets, nos immondices flottés sur les océans ? Comment prétendre vouloir sauver la terre sans vouloir sauver l’humanité, toutes les humanités ? Comment se dire humain sans reconnaitre dans l’autre, une part de divin ? Prendre conscience de notre capital humain c’est retisser le lien avec la verticalité et renouer avec nos horizontalités.
En réalité, nous devons œuvrer, ici et maintenant, à remettre de la nature dans l’humain et de l’humain dans la nature. Il s’agit de retrouver notre intégrité, sans intégrisme, celle qui aligne notre âmme à notre conscience, notre conscience à nos actes et nos actes à notre attitude.
Pour sauver la nature, il faut sauver l’homme et pour sauver l’homme, il faut sauver son âmme