« Le plus haut degré de la sagesse humaine est de savoir plier son caractère aux circonstances et se faire un intérieur calme en dépit des orages extérieurs. »
Cette phrase, lue dans Robinson Crusoé, imprima mon âmme à tout jamais, à l’image de ces tatouages d’encres noires ou blanches qui vous marquent à vie. Elle est mon mantra salvateur et ma boussole émotionnelle. Elle m’empêche de me laisser aller à mes désirs les plus sombres et m’oblige à chercher, toujours et encore de la lumière, même par temps d’éclipse ou orageux.
Cette quête commence par mon propre questionnement sur ce que je suis. Moi Mohammed. Être de nature ou être de culture ? Animal qui aspire à laisser jaillir son humanité ou homme qui se laisse séduire par son animalité ?
Suis-je Robinson Crusoé, ce personnage de ce livre publié, il y a bientôt trois cents ans, jour pour jour, ou plutôt Hayy Ibn Yaqzan, « Vivant fils d’Éveillé », enfant prodige du roman d’Ibn Tufayl, philosophe de l’Andalousie musulmane du XIIème siècle.
Suis-je cet être qui, pour trouver Dieu, s’ensauvage d’abord, après naufrage et pérégrinations, dans ce monde, mon île déserte ? Ou bien cet enfant, né sauvage, élevé au contact de la nature et qui s’éveille avec douleurs et doutes, à la philosophie et à la connaissance de Dieu, assagi par la réflexion individuelle, l’introspection et la méditation?
Suis-je l’invité de cette connaissance intellective, raisonnement après raisonnement, pour toucher Dieu ? Ou suis-je l’amant de cette connaissance intuitive, fruit de l’extase mystique, promesse d’une union intime avec Dieu, détenteur de la plénitude?
Et si j’étais au fond, l’amalgame, l’alchimie, la synthèse de ces deux personnages ? À la fois Crusoé, de par ma culture, acquise sur ma terre natale, cette Alsace éternelle et Hayy, de par mes racines, qui plongent dans la terre rouge sang de Had Gharbia, hameau pas loin de Tanger. À la fois un homme qui observe le monde et un enfant qui s’y émerveille. Un homme fragile, sensible, trop sensible et un enfant naïf, trop naïf, sourire en bandoulière quoiqu’il arrive.
Ces deux-là, nez de clown sur le visage, chapelet à la main, tiré de l’océan, dansant à tue-tête, un seul verre d’eau pour deux, découvrent que tout est beauté, que tout est humanité, que tout est divinité. Tout conduit à Dieu, y compris les cicatrices et les aspérités des corps. Mes rides et mes plis indiquent mon itinéraire spirituel, fondé sur un principe essentiel, celui de la liberté. Celle d’être et de penser. La libre pensée, demeure, le seul garant de la félicité.
Oui, Dieu ne se cache pas dans la contrainte ou l’obligation. Il se trouve dans l’Ammour et le surérogatoire.
Il se découvre et se vit en étant libre.