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Poétiser le monde, les âmmes et les hommes

Souvenirs du Pequod 

Toi qui trouvera cette bouteille, sache que l’eau a de la mémoire.

Je m’appelle Mohammed, à cet instant, j’ai presque 12 ans et je suis né, je ne sais plus quand. Peut-être le jour de la fabrication de ce voilier. Celui que j’observe toute les nuits et qui vogue sans direction précise si ce n’est de se laisser porter par le vent et le soleil. Aujourd’hui j’en suis le seul et l’unique moussaillon. Je n’ai rien à offrir, sauf peut-être mes draps pour en faire des voiles.

Ma vie a commencé à ressembler enfin à mes vibrations et soubresauts de mon âmme de petit garçon. Oui, j’ai rencontré un capitaine extraordinaire et un peu fou je dois dire. J’ai décidé de jeter cette bouteille à la mer, le jour du départ. J’avais envie de raconter le début de mon aventure, partager mes émotions et qui sait peut-être vous donner l’envie aussi de devenir moussaillon. Si vous trouver cette bouteille, vous pouvez me chercher mais sans promesses que vous puissiez me rencontrer.

Aujourd’hui est un jour particulier pour moi, petit moussaillon qui s’apprête enfin à voyager sur les mers et les océans, à découvrir les mystères du monde et à gouter la liberté de naviguer et de l’aventure. Enfin je suis prêt.

Sur le rivage, le soleil brille de mille feux et les oiseaux, qui virevoltent dans le ciel, apportent une touche de couleur. Un véritable arc en ciel volant. Ces oiseaux chantent et me voilà qui me met à danser avec eux, sur quelques mots de Baudelaire ou de Måneskin.  Je suis joyeux. C’est plus fort que moi d’ailleurs. Je danse pour être à l’unisson avec le mouvement des planètes et en harmonie avec la rotation de la Terre, de mes atomes et de toutes autres particules. D’ailleurs à y regarder de plus près, tout danse dans le monde. Les étoiles sur la nuit, les nuages dans les tempêtes, les vagues sur les océans, les papillons dans les jardins, les feuilles des arbres sur les branches, la flamme fragile au bout d’une bougie et même ma langue dans sa bouche.

Voilà j’ai rangé mes affaires. Le juste nécessaire. Le bateau n’est pas très grand et il ne faudrait pas l’alourdir. Un pull chaud s’il venait à faire froid, un jeans usé, seul vêtement dans lequel je suis à l’aise, un ciré jaune en cas de tempêtes, une couverture pour m’y abriter, une boite à biscuit qui contient quelques crayons de couleur, mon carnet de poésie, 2 ou 3 petits soldats pour jouer par temps calme, mon livre à chansons, ma guitare et mon nez rouge pour amuser le capitaine.

La capitaine m’appelle :

– Hé, moussaillon, embarque tes affaires et prépare le voilier. Nous allons partir avant que les nuages noirs nous rattrapent et retardent notre départ !

Effectivement, au loin, je voyais des nuages noirs se former. Vous savez ces nuages formés de millions de gouttelettes d’eau et de cristaux de glaces. Tellement épais et froids que même la lumière du soleil n’y pénètre pas. C’est pour cela qu’ils sont si sombres d’ailleurs  et qu’ils peuvent se déchainer avec violence.

Il faut donc se dépêcher. On ne peut retarder le voyage. Ici on ne sait pas combien de temps peut durer une tempête.

– Oui capitaine, j’arrive ! Juste le temps d’ouvrir la porte et de fermer les fenêtres.

Je suis content, trop content je dois vous l’avouer. Quel immense bonheur de pouvoir partir découvrir le monde, me noyer dans les couleurs, les odeurs et les saveurs. Enfin de l’authenticité à portée de main. Je dois vous dire qu’au début j’avais peur. Peur de quitter la terre, peur de l’eau, peur de tomber dans l’océan, peur de me noyer et peut être simplement peur d’être moi, d’être enfin normal. Oui normal. Voilà une bien étrange idée qui m’a torturée pendant tant d’années. Depuis qu’on m’a dit de grandir et de cesser d’être enfant. Normal !

Une hantise, un cauchemar pour le fragile cœur sur pattes que je suis mais c’est quoi au fond être normal ?

J’ai posé un jour cette question au capitaine, alors qu’il était occupé à boucher les trous du bateau et remettre en état la boussole, cette boussole vitale pour ne pas se perdre.

Je m’en souviens. C’est un de ses nombreux jours ou je pleurai, fatigué d’être moi-même.

Je lui ai dit : – Capitaine, ô mon capitaine. Vous, qui avez traversé les océans les plus tumultueux, affronter les pires tempêtes, découvert des îles fantômes et désertes, naviguer en compagnie des baleines et des dauphins, c’est quoi être normal ?

Le vieil capitaine qui n’était pas surpris répondit en touchant sa barbe grisonnante.

– Etre normal, ben c’est facile, c’est être comme moi. Et être moi, c’est rire quand on a envie de rire, pleurer quand on doit pleurer, c’est faire des choix et de pas avoir peur de se tromper, c’est faire attention aux détails. Oui observer tout, c’est important, pour naviguer dans la vie. Etre normal c’est aussi toujours aider les autres même s’ils ne disent jamais merci, c’est aimer les silences pour mieux rêver, c’est écrire ammour avec deux m, malgré les illusions offertes, les dominations séductrices et les trahisons subies, c’est pardonner d’avoir été marche pied ou piédestal pour leur confort ou leur liberté. En résumé, être normal, c’est aimmer l’Ammour pour ce qu’il vous donne, rien et pour ce qu’il vous prend, tout.

– Et mon petit moussaillon, je vais te dire un secret ! Rapproche-toi ! Tu sais toi et moi nous sommes normaux. Ce sont les autres qui sont différents. Et je suis même sûr qu’au fond de leur cœur, ils aimeraient tous être comme nous. D’ailleurs tu les vois dans les fêtes d’anniversaire ou pendant Carnaval où ils se déguisent tous. Je crois bien qu’ils essayent de nous ressembler. Ça leur fait tellement bien de l’être. Même si ce n’est que pour quelques heures ou quelques jours.

Tu sais, je prie tous les jours pour que chacun d’entre eux trouve un rivage, un bord d’océan un voilier et un capitaine pour partir au Nord, au Sud, à l’Est, à l’Ouest, peu importe la direction mais au moins ils auront trouvé un sens. Un sens à la vie, celui d’être soi-même, celui d’être normal, comme toi, moi, Nous.

Il est génial ce capitaine. J’aimme ce capitaine. Non seulement il sait naviguer, il est aussi solide que son voilier, il rassure mais surtout il me réconforte et toujours prêt à me serrer dans ses bras. Tiens un jour en me serrant fort, j’ai trouvé dans sa poche un nez de clown. Etrange

Là faut qu’on y aille. Il y a du vent, faut qu’on en profite. Nous avons encore tellement du chemin à faire et de tant de choses à se raconter.

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