J’aime dire à mes atomes de devenir les soldats, les fantassins, de ta garde rapprochée. Qu’ils puissent former un bataillon, un régiment, liés comme les grains du chapelet. Qu’ils soient les remparts hauts et solides qui protègent ton immensité et qu’ils deviennent mon enceinte, mon refuge quand je me fuis à moi-même.
J’aime dire à mes molécules de devenir les marches de ton escalier. Celui qui mène vers l’endroit où tous nos mystères n’ont plus aucun secret. A l’endroit, à cet endroit où l’homme que je suis, découvre, avec joie et mélancolie, qu’il n’est fait ni d’eau, ni d’argile mais simplement d’une foudroyante fragilité. Mon corps, mes rides, mes tripes, ma peau soutiennent le temple qui t’es dédié. Ce temple, où prosternations horizontales et érections verticales rythment mes prières.
J’aime dire à mes organes qu’ils chantent tes louanges et tes bienfaits. Toi que je désire serrer fort contre moi et qu’en moi tu puisses pénétrer, au point de s’oublier. Inonde moi, inonde moi de ta lumière, ne plus avoir ce monde, ne plus le voir, enfin aveuglé. Je supplie de faire de mon cœur, cette maison close, une auberge, une taverne ouverte à tout va, ouverte à tout vent. Ô ammour prend pitié de ta création. Ô ammour, juste quelques grammes de Ta miséricorde.
J’aime dire à mon corps qu’il s’oublie pour s’orienter et rien que s’orienter. Qu’il puisse se mouvoir dans ton espace, dans ton temps, dans ta volonté. Sortir de la noirceur de mes couloirs et vers la Pierre Noire me prosterner. Corpuscule dans le cosmos, hâte de m’éteindre pour vivre, impatient de m’étreindre pour exister.
J’aime dire à tous ceux qui m’entourent et qui m’enserrent, qu’ils ne seront jamais barreaux ou frontières. La liberté n’en connait aucune. La liberté commence là où se meurt l’égo. Rions, prions, chantons à ses funérailles. Tel un oiseau qui chante ou plutôt un oiseau qui prie. Posé sur la branche de cet arbre qu’on ne peut oublier, il chante sans savoir pourquoi, sans savoir pour qui. Mais il chante.
J’aime dire à mon pays, celui qui m’a vu naitre, celui qui m’a vu grandir, celui qui m’a vu renaitre, celui qui me verra mourir, que là où je vais, ni collines, ni montagnes, ni forêts. Les distances y sont aussi éphémères que les secondes qui naissent pour aller se cacher. Les océans, les rivières, les cours d’eau et les flaques de sang remontent à leur Source pour s’abreuver. Là où l’on fait l’ammour.
J’aime dire au monde tout entier que le monde est un oubli. Nous le traversons comme les rêves transpercent nos pensées. Regarde, même l’arc en ciel fuit ce monde. Les couleurs, qu’il prend avec lui, sont un peu tout cet ammour mis de côté et ces naïvetés sacrifiées.
J’aime enfin dire à Dieu. Il est, je ne sais pas qui, je ne sais où, je ne sais quand mais je sais que son ammour fait de moi scandales pour leur vertu et sandales pour leur pieds. Moi, pieds nus, je vais, je marche, je cours et j’embrasse.