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Poétiser le monde, les âmmes et les hommes

Lettre à Mr. Ibrahim

Toi qui contemples le monde de ta chaise, tu dis, tu prétends et tu affirmes que le bonheur se trouve dans la lenteur. Tu as tellement défendu ce point de vue que j’ai fini par croire qu’il s’agissait d’un verset tiré de textes sacrés, au point que cette phrase pourrait être ton épitaphe. 

Avec le recul, pris sur la nature humaine, que j’ai auscultée, autopsiée, disséquée, pesée, mesurée, je dois avouer, t’avouer que tu avais bien raison. Amèrement raison. La rapidité est souvent l’amie intime de la tristesse. On va vite, on s’accélère, on court pour oublier que nos vies, nos existences, nos instants ne sont finalement bâtis que sur du vide, de l’éphémère, de l’illusion, du mortel et même du mortifère.  On va vite pour ne pas s’interroger sur notre place. L’on va vite et l’on se perd, à mi-chemin entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. L’on va vite par peur de se découvrir infiniment insignifiant.

La vie, sans cette lenteur, chère à ton âmme, alors, ne deviendrait qu’une succession ordonnée, calibrée, mesurée de souvenirs, de rêves, de nostalgies et de projections.

Les souvenirs et les rêves, des drogues douces, des opiacés, des psychotropes, des stupéfiants, permettent d’oublier un présent trop présent et de s’illusionner que hier ou demain feraient l’aujourd’hui. C’est pourquoi cher Monsieur, cher Monsieur Ibrahim, j’ai appris à ne plus me souvenir et à ne plus rêver. À ne plus avoir peur et à ne plus espérer. Les rêves, simples souvenirs pour les pauvres. La peur, simple maladie contagieuse de mes failles, mes fêlures, mes faiblesses et mes nombreuses, trop nombreuses fuites hors de ma foi.

Nos cœurs seraient-ils, comme tu dis, des oiseaux en cage et que danser permet de leur donner des ailes, qu’ils puissent s’envoler et aller goûter les fruits mielleux du ciel? Si tel était le cas, alors c’est avec une immense joie, incommensurable désir que j’ai envie de tournoyer et d’aligner enfin mon corps, mon cœur, mon âmme. Enfin que tout s’osmose. Enfin me voilà cosmos.

Je leur laisse le monde, ce monde, leur monde. Là où s’inculque le paradoxe et l’opposé. Là, où nul être ne peut contenir mon ammour sans qu’il ne soit définitivement calciné. Là, où mon corps est poussière le jour et océan la nuit. Là, où les courageux mendient quelques grammes de miséricorde. Là, où les egos se nourrissent des pages de ces livres qui les entourent. Là, où ils divinisent le sexe au détriment de l’ammour. Là, où mon nez de clown m’a permis de m’y échapper. Je leur laisse tout. Je leur laisse toi. Témoin, trace de mon passage parmi eux. Ou peut-être simple chimère ?

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