Cette nuit est son dernier jour. Il a rangé ses affaires, vendu ce qui avait encore un peu valeur, donné ses livres et ses écrits et fais son baluchon. Il est prêt à partir. Avec comme seuls objets et compagnons d’infortune, son chapelet et son nez rouge. À eux trois, ils forment une sainte trinité. Une trinité nécessaire pour un retour à la source. Une trinité primordiale pour le départ final. Il laisse en héritage aux vrais artistes, aux saltimbanques et aux personnes frappées de cécité, son stylo, son tapis de prière et sa boussole. Ils pourront écrire leur désillusion à son encontre, se tatouer le nom de leur amour, prier le Ciel pour que la Terre pardonne et trouver leur chemin qui peut-être les ramènera là où il se trouve. Là où il doit se rendre, ils ne sont plus d’aucune utilité. Nul besoin d’écrire pour exister, nul besoin de faire clown ou bohémien pour être pris au sérieux et nul chemin à chercher puisque tout est à la fois départ et arrivée.
Ici parmi eux, il a tout essayé. Essayé d’être fils et fille, frère et sœur, père et mère, adulte et enfant, jeune et vieux. Essayé de devenir artiste et créatif, musicien et danseur, poète et sculpteur, moussaillon et capitaine. Essayé d’être à la hauteur de leurs profondeurs. Essayé même de leur ressembler dans l’espoir ou plutôt l’illusion que leur humanité pouvait l’aider à rassembler ses morceaux éparpillés, à ressouder ses fragments d’âmme.
Sur son chemin du retour, il fera une halte dans ce lieu où la légende raconte que des barbares ou des croisés y auraient dissimulé un trésor majestueux dont une tête de Christ en or. Il s’y arrêtera, non pas pour chercher un quelconque précieux, il n’y croit plus, mais pour se rappeler de ses instants et de ces espaces où les Dialogues en Humanité alignaient son cœur d’homme à son esprit d’humain.
C’est là qu’il a pris conscience que l’Ammour de la vie, celui d’autrui, de la nature et du présent le faisaient grandir. Sa règle d’or aujourd’hui se résume à invoquer et agir à ce que l’Ammour habite la Terre comme les étoiles habitent le ciel.