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Poétiser le monde, les âmmes et les hommes

Poésie du vide

Je suis là à regarder ce verre, à moitié plein ou à moitié vide, peu importe. Bien que l’estomac vide, je ne ressens plus aucun appétit. Le ventre vide, les pieds nus, j’invoque les mains vides avec toute l’espérance et l’espoir qu’un jour, elle rempliront ta bouche.

Définitivement débarrassé de la matière vivante, son corps est aussi vivant que ses mots vides de sens et qui ne procure plus rien, si ce n’est un arrière-goût d’une solution de sels alcalino-terreux.

Remplir le vide avec le vide conduit au même résultat que de répéter mensonge après mensonge. La répétition ne transforme en rien le vide et le mensonge en vérité. Le néant nourrit le néant et la trahison couche au premier soir.

Tout est vide, désert, vacant. Cet appartement, cette chambre, cette pièce, cette chaise, ce lit. Tout est vide. Cela est invitation à aimer l’isolement et à fuir la solitude.

Tout est vide, désert, vacant. Ces magasins, ces rues, ces cafés, ces salles de spectacles et même ces maisons closes. Cela est invitation à aimer et à fuir la foule.

Tout est vide, dénudé, dépeuplé, nu. Cette mer, cette campagne, cette plaine, ces jardins, ces grands espaces, ces terres où rien ne vient rompre l’uniformité de ce vide. Cela est invitation à aimer les tempêtes et à fuir le sable fin.

Que j’aimme ces dimanches d’hiver vides et tristes, au lendemain de soirées toutes aussi vides; où chaque heure, chaque moment, chaque temps restent invariablement immobile et vide. 

Et pourtant ce vide, cet excès de fixité n’est ni une privation de vitalité, ni une incapacité de réfléchir, ni une manière de ne pas agir. Oui, avoir la tête, le crâne, le cerveau, l’esprit vide impose et oblige à garder l’âmme vibrante, le cœur battant, le sang bouillant et ainsi préserver toute sa faculté à jouir de l’ammour. Un ammour avec deux m qui vous remplit de l’autre et non de cet amour futile, inintéressant, insignifiant, superficiel, stérile, et tellement intéressé qui finit par vous vider de vous-même.

Si la nature a horreur du vide, la mienne ne se précipite nullement pour l’occuper. Je préfère l’absolu au relatif, l’invisible au visible, la foi à la confiance. Je laisse aux commentateurs, aux historiens, aux archivistes, aux archéologues et aux épigraphistes de me juger de mon vivant ou une fois mes souvenirs placés sous vide et enfin éloignés de tout élément matériel ou humain. 

Une fois le vide autour de moi, je pourrai enfin regarder le vide; être attiré par lui, sans en avoir peur, lui parler avec vertige et extase. Je pourrai remplir chaque cavité, chaque espace, chaque fente, chaque fissure, chaque ouverture, chaque trou. Combler le vide au sens noble du terme. L’ammour comme une architecture gothique. Une architecture qui révèle à mon âmme que le vide unit.

Vous aimez les étoiles, les atomes, les paroles, les lettres, les feuilles, les visibles, les battements, les sourires, les gens et même l’espace du temps qui sépare deux personnes. Moi j’aimme plutôt les poussières, les espaces, les interstices, les vides, les silences, les nervures, les invisibles, les cicatrices, les fantômes et même Dieu qui les réunit. Sans eux ou plutôt sans Lui, aucune vie, aucun équilibre, aucun ammour.

Vous aimez la musique, les notes et les accords. Moi plutôt jouer à vide sur la corde de mi de ma guitare, dont l’indication du doigté se marque par un zéro. Symbole absolu du vide devenu vibration.

Le vide n’est ni absence, ni désert, ni inutile, ni silence, ni vacuité. Bien au contraire. Faire ou plutôt être le vide, c’est résolument apprendre à accueillir et à devenir le plein.

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